كتاب
aicha et autres nouvelles fanées
Enfin publié par les éditions Lazhari Labter avec le soutien du ministère de la Culture, Aïcha et autres nouvelles fanées est un recueil de nouvelles inédites. Abderrahmane Chergou s’apprêtait à éditer cet ouvrage de son vivant, mais il fut assassiné par les terroristes le 28 septembre 1993.
Dans sa note liminaire, l’auteur explique que «ces nouvelles ont été écrites tout au début des années 1980, au moment où les destructeurs de la Patrie, installés au pouvoir, s’acharnaient à ensevelir notre passé et à gommer méthodiquement la mémoire de la grande guerre de libération, d’où le titre de Nouvelles fanées !» Treize histoires courtes — «toutes inspirées de faits réels», précise Abderrahmane Chergou — composent le recueil et racontent des évènements qui ont eu lieu durant la guerre d’indépendance. Après Demain reste toujours à faire (publié en 1984), le brillant officier de l’ALN (Armée de libération nationale) donne ainsi à lire un autre précieux témoignage, cette fois dans le genre nouvelles.
Le titre Aïcha et autres nouvelles fanées incite cependant à faire réfléchir longuement le lecteur, surtout qu’il est suivi d’un sous-titre très explicite : Pour ne jamais oublier Novembre. La mémoire, ici, est invitée à puiser aux sources de cette histoire en réalité si proche de nous. Et tout le talent de l’auteur, c’est justement de vouloir entraîner ce même lecteur dans les eaux pures du ressourcement mnémonique. Autant dire qu’il s’agit, non pas de «nouvelles fanées», mais de courts récits qui éclatent de vie et de fraîcheur, qui ragaillardissent et insufflent de la vigueur. Le Docteur Youcef Khatib (Colonel Hassen, dernier chef de la Wilaya IV historique) résume d’ailleurs parfaitement le sens et l’harmonie des éléments de l’ouvrage. Il relève dans sa préface : «Aïcha, c’est le titre du recueil et c’est tout un programme. Ces petites perles de nouvelles donnent à voir le côté jardin de l’ALN, celui qu’on ne trouve pas beaucoup dans les témoignages et mémoires de djounoud et responsables.
L’ALN y est bien présente, mais les arrière-fonds… laissant la scène aux constituants de ce que l’on désignait par l’eau dans laquelle elle vivait comme le poisson, et d’où elle tirait ses forces. Les héros, ici, au vrai sens du terme, ce sont ces Aïcha libres et éternelles qui gardaient déjà leur piton contre les hordes romaines, ce sont ces tissals (agent de liaison) qui étaient autant de fermes et fragiles cordons ombilicaux reliant les katibas au centre de la révolution…» Une véritable armée de l’ombre que tous ces personnages anonymes, parfois pittoresques ou inattendus, qui se fondent dans un décor qui participe lui aussi à l’action ! Ainsi en est-il, par exemple, de La sortie de Tablat, quatrième nouvelle du recueil.
Abderrahmane Chergou nous livre, vite et bien, une histoire complète qui fonctionne à la fois sur le réalisme et le comique, deux registres qui en accentuent l’intensité dramatique. Image saisissante que la mort de l’ânesse ravitailleuse des maquis de l’ALN, et qui signe la fin du récit. «Les harkis la criblent de balles. Ils vident tous leurs chargeurs sur la malheureuse bête. Le plus zélé lui envoie même une grenade. L’ânesse noire de Chérifa tente de relever la tête, rue dans l’air de ses quatre grandes pattes, jette un dernier regard en direction de chemalil puis s’immobilise dans un dernier râle. Allongée dans la poussière, elle garde un air moqueur et narquois», chute adroitement l’auteur. Le dernier paragraphe souligne encore plus la dimension tragi-comique de l’histoire de l’ânesse : «Furieux, les harkis continuent à tirailler dans tous les sens. Deux hommes et une vieille qui passaient par là sont abattus, et leurs corps s’étalent à proximité de celui de l’ânesse.»
Dans cette «petite perle de nouvelle» (selon le mot de Youcef Khatib), ce sont toujours des gens du commun qui sont mis en scène. Le décor, c’est un «gros village de l’Atlas». Seulement, «Tahar Ben Taleb et ses harkis tiennent Tablat dans une poigne de fer». Quant à Rabah, le paysan ravitailleur, il fait partie de ces «fourmis laborieuses et téméraires qui ramènent vers la montagne les choses indispensables à la vie, à la santé, à la lutte». Certes, «les harkis de Tablat sont terribles, mais les gens de Tablat n’abdiquent pas. Plus les mailles du réseau ennemi se resserrent, plus les gens aiguisent leurs armes et leurs astuces». Rabah, par exemple, «veut bien ravitailler, mais il ne veut pas mourir, aussi a-t-il dressé son ânesse à revenir toute seule au douar». Ou l’histoire d’une bête de somme devenue, malgré elle, «l’arme suprême» de son propriétaire ! Les douze autres nouvelles du recueil racontent, chacune, la même «histoire toute simple de femmes et d’hommes à leurs postes de combat».
Abderrahmane Chergou écrit ici densément, il peint des tableaux réalistes et vivants tout en exprimant beaucoup en peu de mots. Dans ces textes où fleurent bon la poésie et la tendresse, chaque élément porte. Et c’est grâce à cet effet de réel propre aux nouvellistes chevronnés que le lecteur a l’impression de vivre, à son tour, des histoires vraies. Voilà le genre de livre à mettre entre toutes les mains comme le souligne le Docteur Youcef Khatib, ces nouvelles «méritent d’être portées à la connaissance de tous les Algériens ne serait-ce que pour honorer la mémoire du moudjahid Abderrahmane Chergou, victime d’un combat d’un autre genre».
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